Rencontre de Pierre-Yves MATHIEU un photographe de RENOM
Bonjour à tous ! aujourd’hui nous allons bavarder avec un photographe super cool, très ouvert et bien aimée de la grande ile. Alors pourrais-tu te présenter
Je m’appelle Pierre-Yves MATHIEU (Pierre-Yves étant le prénom). J’habite dans le Jura. C’est l’est de la France. C’est un des départements les moins peuplés de France. Beaucoup de forêts et de montagne, quelques lacs … J’ai commencé à prendre des photos pendant que je faisais des études de lettres. C’était vers la fin des années 80. J’habitais avec un ami qui préparait le diplôme des Beaux Arts, et qui utilisait les techniques photographiques pour son travail d’arts plastiques. Mais ma formation de départ est littéraire. En photographie, je suis autodidacte.
Depuis ces débuts en photographie, je n’ai jamais cessé de préparer des expositions et des les montrer. Depuis cinq ans, je suis passé au numérique, mais j’ai conservé mon labo argentique et du matériel pour travailler. Mais je ne pense pas revenir en arrière. C’est juste pour la conservation ou réactualisation de mes travaux argentiques.
Le tananarivien: merci beaucoup et contant de connaître tes parcours, en parlant d’exposition, tu en as déjà fait à Madagascar ? Et d’après ce que j’ai vu dans ton site tu as un peu parcourues l’île en 2017 et 2018, 2 année successives, il y a une raison particulière ?
Non, je n’ai jamais exposé à Madagascar. En fait je n’ai jamais exposé ailleurs qu’en France. Pourtant j’aimerais beaucoup. Mais ça ne s’est jamais proposé. Et c’est compliqué pour moi de voyager avec mes tirages qui sont au format A2 (42 cm/ 59,4 cm).
Pierre-Yves: J’ai découvert Madagascar en janvier 2015, grâce à un ami qui enseignait la langue française aux jeunes malgaches, et habitait Antananarivo. Depuis j’y retourne chaque année entre la fin décembre et début mars. En février 2018, c’était donc mon quatrième voyage à Madagascar. Chaque voyage a duré plus d’un mois
Le tananarivien: Merci! Parmis les pays que vous avez photographier, la quelle vous a plus donner un coup de coeur?
Pierre-Yves: C’est une question que je ne me pose pas vraiment. Je n’ai jamais vraiment choisi les pays où je suis allé. J’ai toujours voyagé par opportunité, pour retrouver quelqu’un ou parce que j’étais invité. Je dispose de moyens financiers plus que modestes. J’ai adoré tous les pays où je me suis rendu. Un peu plus de difficultés avec le Mexique, parce que j’avais l’impression d’y être transparent. Les gens ne me regardaient pas. Ils me prenaient sans doute pour un touriste américain, et je ne parle pas leur langue. Je n’osais pas beaucoup photographier. Je suis revenu à Madagascar à quatre reprises parce que j’aime la mentalité des gens et leurs facilités de contact. J’y aime aussi les campagnes qui fourmillent de gens qui travaillent la terre, et les villes qui sont si photogéniques. La diversité des peuples et des mentalités ne cesse de m’émerveiller. Il me reste tant de choses à connaître de Madagascar et des Malgaches …
Le tananarivien: Bah tu es et tu seras toujours le bienvenu alors, depuis ton carrière de photographe, il y avait-il un moment drôle ou gênant?
Pierre-Yves: Merci beaucoup, c’est très gentil. De toute ma carrière de photographe, il y a eu comme j’en ai parlé plus haut, ce malaise ressenti au Mexique. Sans doute était-il dû en partie à l’obstacle de la langue. Mais pas seulement. Les gens étaient d’une telle indifférence avec moi, alors que j’étais très repérable (par mon type physique européen), qu’il semblait qu’un mur de cristal était installé entre moi et tout le monde, et je craignais qu’en photographiant, cette séparation vole en éclats et laisse place à quelque chose d’atroce. Il faut que j’apprenne l’espagnol et que j’y retourne. Je ne pense pas que ça soit possible. Le voyage est cher, et l’opportunité qui me l’a permis ne se reproduira sans doute jamais. A Madagascar, j’ai vécu beaucoup de situations magiques et des miracles liés à l’image. Souvent les gens sont demandeurs. Je me souviens d’une anecdote, dont je ne sais pas si c’est comique parce que j’ai fâché quelqu’un.
J’étais avec un ami sur le bord de mer à Mahajanga. A cette heure matinale il n’y avait presque personne. Nous avons croisé une dame en niqab. C’est à dire qu’elle était entièrement recouverte de tissu, on ne voyait pratiquement même pas ses yeux. Impossible même de savoir si elle était noire ou blanche, parce qu’elle portait des gants. J’avais déjà vu des niqabs hermétiques, mais celui-là se distinguait des autres, parce qu’il n’était pas noir ou gris sombre, comme ceux que j’avais vus ailleurs. Il était très coloré de différentes couleurs. Cette dame était vêtue de jaune citron, d’ocre, de vert pomme et de bleu ciel. Seulement des couleurs claires. Tout cela faisait avec le soleil et le littoral quelque chose de haut en couleurs, comme un oiseau exotique. J’ai fait une photo. Bien sûr elle m’a vu. Elle s’est retournée très très en colère. Du moins, c’est ce que j’ai cru comprendre, parce qu’elle était tournée vers nous, avec les poings sur les hanches, dressée immobile. J’aurais dû aller parler avec elle pour savoir quelle était ma faute, mais j’ai juste voulu faire de l’humour devant mon ami. Je me suis contenté de lui crier : »Ne vous en faites pas madame! On ne vous reconnaîtra pas! ».
Sur ce moment, j’ai manqué deux choses: -Je ne l’ai pas photographiée avec les mains sur les hanches, alors que c’était magnifique. -Et je ne suis pas allé parler avec elle, alors qu’elle semblait disposée à le faire. Et même si elle ne parlait pas français, mon ami aurait été un excellent interprète. Mais la vie est jalonnée de ce genre de regrets je crois.
Le tananarivien: Qu’en pensez vous des photographes à Madagascar ? Ont-il le talent ? Des conseils à donner ?
Pierre-Yves: Les photographes malgaches, je les connais peu. En fait, seulement deux me reviennent en tête. Je suis allé visiter le Musée de la Photographie de Tana. Le lieu est magnifique, et entretenu avec beaucoup de sensibilité. L’accueil est vraiment sympathique et chaleureux. J’encourage absolument tout le monde à visiter ce musée. D’autant que le prix de l’entrée est très accessible pour les malgaches, et très bon marché aussi pour les vazahas. Dans les différentes salles, on assiste à des projections de photographies avec un univers sonore, et un historique de la photographie très bien documenté et attrayant. J’y ai appris beaucoup de choses sur Madagascar. Mais j’ai remarqué tout de suite l’anomalie. Il n’y a pas de contenu. Très peu de tirages argentiques véritables. Rien que des scann’s de photos. Depuis, je suis allé en novembre 2018 au musée des « Arts Premiers Quai Branly à Paris, pour voir l’exposition sur Madagascar. Maintenant je sais où sont les photos malgaches. Elles sont à Paris, dans les réserves des musées.
Les deux photographes que je connais sont connus de tous je pense. Pierrot Men, et Rijasolo. Pierrot Men est de père chinois et de mère franco-malgache. Rijasolo (beaucoup plus jeune) est un malgache qui a fait ses études aux Beaux Arts en France, et qui est revenu à Madagascar pour travailler. Ce sont les seuls que je connaissent qui font de la photographie d’art. Mais je demande à connaître d’autres photographes malgaches. Les autres que j’ai remarqués, ne font que de la photographie commerciale. Souvent ils le font avec grand talent. Mais c’est une technique directement monnayable, et destinée à ça seulement. Je comprends ce point de vue qui est lié à la survie. Le problème est que la plupart des photographes malgaches n’ont pas eu accès à la culture de la photographie artistique. C’est un peu comme si un sculpteur ne faisait que des tables et des chaises.
Pierrot Men est un photographe de la belle image. Il travaille beaucoup et fait des images qui font des cartes postales extraordinaires et magiques. Personne ne peut rester insensible à l’espace qu’il décrit, fait de rêve, et d’humanité. Rijasolo aborde la dimension sociologique de la photographie. Il est préoccupé des gens et de leur importance en tant qu’humains issus d’une culture, ou d’exigences de vies compliquées. Ses photos sont moins séduisantes que celles de Pierrot Men. Elles ont plus profondes, urgentes, précises, humanistes. C’est un photographe audacieux et intelligent. Ses oeuvres n’ont pas fini de nous faire réfléchir et de nous émerveiller, de nous faire ressentir que c’est à Madagascar, que se joue l’avenir de l’humanité.
Le tananarivien: Pour finir…tu as des programmes cette année ? Sinon merci beaucoup a toi, merci de m’avoir accordé ton temps c’était enrichissant , si tu as autres chose à dire… Tu es libre de t’exprimer
Pierre-Yves: Comme programme pour l’année à venir, je n’ai pour l’instant que des propositions d’exposition dans ma région. Aussi, j’ai rencontré le curateur d’une galerie parisienne, et je suis en train de remettre en service des installations photos que j’avais réalisées il y a quelques décennies, pour les filmer et lui envoyer la vidéo. J’aimerais que mes travaux anciens que je n’avais exposé que deux ou trois fois dans des conditions médiocres, et devant un public inapproprié, soient montrés à des gens plus ouverts et susceptibles de leur trouver des débouchés. J’aimerais aussi exposer à l’étranger. Pourquoi pas Madagascar des photos de Mada? Puisque j’ai beaucoup aimé et photographié le pays et ses gens. Un ami m’a conseillé d’envoyer un petit dossier à la médiathèque de Tana. Je pourrais commencer par ça; il y a aussi des galeries. Peut-être aussi l’IFM. Mais ce dernier n’est pas tout public je crois …